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L’intelligence artificielle générative transforme rapidement des domaines créatifs tels que les arts visuels, la musique et la littérature. En utilisant des modèles avancés de machine learning, l’IA est désormais capable de produire des œuvres originales, parfois indistinguables de celles créées par des humains. Cette tendance ouvre de nouvelles perspectives pour les créateurs tout en soulevant des questions essentielles sur l’avenir de la créativité humaine.

Cet article explore l’impact de l’intelligence artificielle (IA) générative à travers deux perspectives : d’une part, en tant qu’outil collaboratif enrichissant le processus créatif, et d’autre part, en tant que menace potentielle pour la créativité humaine. Nous parlerons aussi des réactions des artistes, des bénéfices et des défis de la collaboration entre humains et IA, ainsi que des implications légales et éthiques.

IA générative et création artistique

Les origines de l’intelligence artificielle (IA) générative remontent à la seconde moitié du 20ᵉ siècle, avec les premiers chatbots tels qu’ELIZA (Weizenbaum 1966), capables d’identifier des mots clés ainsi que le contexte et de générer des réponses adéquates. Un peu plus tard, dans les années 1970, l’artiste Harold Cohen commençait à créer des peintures et des dessins grâce à AARON. Il s’agissait du premier logiciel de création artistique autonome, bien qu’incapable de générer des styles en dehors de ceux déjà programmés par Cohen.

Néanmoins, la grande révolution de l’IA générative est arrivée avec le développement du domaine du machine learning (ML ou apprentissage automatique) dans les années 2010.  En particulier, l’utilisation des réseaux antagonistes génératifs (GAN) a permis de passer des images psychédéliques de DeepDream (lancé par Google en 2015) à des images de plus en plus indiscernables de celles créées par un artiste humain (par exemple : DALL-E, Midjourney).

L’IA générative ne s’applique pas uniquement au domaine des arts plastiques, mais également à celui de la musique. En effet, la première pièce musicale complètement créée par ordinateur remonte à 1957, avec la Suite Illiac pour quatuor à cordes. Le compositeur Lejaren Hiller avec son collègue mathématicien Leonard Isaacson ont réalisé quatre expériences pour lesquelles ils ont donné en entrée des séries de règles et de paramètres de plus en plus complexes. Chacune de ces expériences correspond à un mouvement de la suite. Durant les décennies suivantes, des algorithmes de composition musicale, des logiciels d’identification de motifs et de création, des logiciels de transcription, et même des programmes d’imitation et de continuation des compositions ont vu le jour.

Aujourd’hui, tel que dans le cas du langage et des arts visuels, un algorithme d’apprentissage nourri des données auditives (voix humaine, musique, styles variés) est capable de générer des créations musicales/auditives inédites. Il le fait à partir d’une simple description ou, en temps réel, en accompagnant un musicien.

Quels sont les principaux acteurs aujourd’hui ?

L’intelligence artificielle générative continue de démontrer son immense potentiel à travers divers projets artistiques. Cette technologie de pointe ouvre la voie à de nouvelles formes d’expression créative et repousse les limites de ce qui était autrefois considéré comme possible. Voici quelques exemples marquants illustrant son impact transformateur.

DeepArt : Transformer des photos en œuvres d’art

Le projet DeepArt utilise l’apprentissage profond pour transformer des photographies ordinaires en véritables chefs-d’œuvre artistiques. Il s’agit en réalité d’un outil de transfert de style : un style artistique choisi par l’utilisateur ou même établi à partir des styles de peintres de renom tels que Van Gogh, Picasso ou Monet, est appliqué sur une image cible. Cet outil donne un nouveau rendu à l’image traitée, créant une image unique qui combine harmonieusement le contenu de la photo d’origine avec les techniques picturales caractéristiques de ces grands maîtres.

Prompt Art : les générateurs d’images à partir d’une description.

Développés à partir des années 2010, mais en plein essor depuis 2022, les modèles texte-image génèrent des images, des vidéos et des modèles 3D réalistes depuis une description en langage naturel. Les images créées sont souvent d’une qualité exceptionnelle (haute définition, niveau de détails et textures réalistes) grâce à l’apprentissage profond, aux modèles de diffusion et à une disponibilité élargie de jeux de données. Des exemples remarquables incluent Midjourney, DALL-E 3 (OpenAI), Stable Diffusion (Stability.ai), Imagen (Google Research), Muse (Google Research), DreamBooth (Google Research), DeepFloyd IF (Stability.ai), DreamFusion (générateur 3D, Google Research), GLICEN (UW-Madison/Columbia U./Microsoft), and pix2pix-zero (CMU/Adobe).

Composer de la musique dans divers genres

L’IA générative procure l’opportunité aux musiciens amateurs de créer des compositions originales dans plusieurs styles à partir d’un texte ou même de chanter un morceau avec la voix d’un artiste populaire.

Développée par OpenAI, MuseNet est une IA capable de composer des morceaux musicaux complets dans une variété de genres, allant du rock à la musique classique. En analysant un vaste corpus de compositions existantes, cette IA a appris à reproduire les structures, les harmonies et les mélodies propres à chaque style musical. Les résultats sont étonnamment riches et complexes, défiant parfois l’oreille humaine pour distinguer les créations de l’IA de celles des compositeurs humains. Udio, semblable à MuseNet, développé par des ex-intégrants de Google DeepMind, est capable de convertir une description en musique. Occasionnellement appelé le « ChatGPT de la musique », Udio est probablement l’outil le plus simple pour un utilisateur. En effet, il permet aux non-musiciens de créer un morceau simplement en décrivant le style, le thème des paroles, les types de voix et d’instruments à utiliser. De plus, une galerie permet d’écouter des morceaux créés par les utilisateurs.

SOUNDRAW aide à choisir et à ajuster le tempo, le style et la durée de la composition, tout en autorisant à collaborer et à partager en temps réel. AIVA est un autre exemple de générateur de musique. Développé depuis 2016, il continue à perfectionner la production des morceaux pour des publicités, des films et des jeux vidéo, parmi d’autres. À ce jour, plusieurs IA sont disponibles. Lissez l’article de unite.ai sur les générateurs de musique pour vous faire une idée !

Quand l’IA écrit de la poésie

Le débat sur la conscience et la capacité créative des IA n’est pas nouveau. Depuis quelques années, des chercheurs ont remarqué que dans certaines interactions, les IA donnent l’impression d’avoir une conscience propre. Cependant, ils restent sceptiques, car les IA fondées sur des modèles LLM miment les réponses humaines.

Les modèles de langage avancés tels que ChatGPT et Claude, développés respectivement par OpenAI et Anthropic, ont démontré leur compétence à rédiger des poèmes et des récits courts d’une qualité remarquable pour un texte généré par IA (voici deux exemples avec ChatGPT-4 et Claude). Grâce à leur compréhension approfondie du langage naturel et de la structure narrative, ces IA peuvent générer des œuvres littéraires qui rivalisent avec les créations humaines en termes de fluidité, d’émotions et d’originalité. Néanmoins, la différence principale entre l’IA d’OpenAI et celle d’Anthropic est que cette dernière incorpore des principes d’éthique et sécurité, en respectant des principes humanistes universels.

D’autres acteurs de l’IA essaient de ne pas rester en arrière-plan : en avril dernier, Meta a annoncé LLaMA 3, leur dernier ajout à la famille LLaMA, qu’ils décrivent comme un grand pas en avant grâce aux résultats dans des tests de référence, qui le placent devant Claude, Gemini (Google), Mistral 7B et Gemma 7 (Google). En mars dernier, Anthropic a lancé la famille de LLM Claude 3 (Claude 3 Haiku, Claude 3 Sonnet et Claude 3 Opus), qui semble encore plus performante que ses versions précédentes. Claude 3 est capable de comprendre et de traiter des textes, des images, des graphiques et des tableaux, de traiter des requêtes très longues, tout en ayant une compréhension accrue du contexte.

Collaboration entre IA et humains

Les avis des artistes sur l’utilisation de l’IA dans leurs processus créatifs sont partagés. Certains voient l’IA comme une source d’inspiration et un outil qui peut automatiser des tâches fastidieuses, permettant ainsi de se concentrer sur l’innovation. D’autres, cependant, craignent que l’IA remplace les artistes et érode l’authenticité et l’originalité des œuvres créatives.

L’intelligence artificielle générative a déjà démontré son potentiel comme partenaire créatif à travers divers projets collaboratifs réussis. Voici quelques exemples marquants :

Cocréation d’œuvres d’art génératives

L’artiste Mario Klingemann utilise l’IA pour cocréer des œuvres d’art génératives qui explorent la frontière entre la créativité humaine et artificielle. En combinant son talent artistique avec les capacités de l’IA à générer des images, il produit des pièces uniques qui défient les conventions et redéfinissent les limites de l’art numérique.

Rafael Lozano-Hemmer crée des installations interactives avec de l’IA générative, où les images répondent aux mouvements des observateurs, les intégrant ainsi au processus créatif. Memo Akten, artiste polymathe, utilise des algorithmes et des IA génératives pour créer des expériences mystiques qui imitent le comportement des systèmes naturels où la technologie devient une extension de la perception humaine, mêlant humain et machine. Refik Anadol utilise l’IA générative pour concevoir des œuvres d’art de grande taille pour créer des expériences sensorielles immersives à partir des millions d’images disponibles en accès ouvert sur Internet.

Coproduction d’albums

Le groupe de musique Taryn Southern a collaboré avec l’IA pour co-produire des albums, fusionnant les talents humains avec les capacités de l’IA pour créer de nouvelles sonorités. Grâce à des modèles d’apprentissage profond, l’IA a aidé à composer des mélodies, des harmonies et des arrangements inédits, tandis que Taryn Southern a apporté sa voix et son interprétation unique. Cette collaboration a donné naissance à des œuvres musicales innovantes qui repoussent les limites de la création artistique.

En novembre 2023, Sony Music lance un projet collaboratif de musique d’IA générative autour de l’album Metallic Sphères in Color de The Orb et David Gilmour. Ce projet invite les fans à participer en créant de nouvelles illustrations pour l’album et en réalisant des remixes à l’aide des outils d’IA générative.

En fin de compte, l’IA générative ouvre de nouvelles possibilités créatives passionnantes, mais ne remplacera probablement jamais complètement l’expression artistique humaine, unique et intentionnelle.

IA générative et plagiat

L’émergence de l’IA générative soulève des questions complexes de droit d’auteur. Les œuvres générées par l’IA peuvent parfois ressembler fortement à des créations existantes, posant des problèmes de plagiat. De plus, l’attribution de la parenté d’une œuvre créée par une IA demeure floue.

Pour protéger les droits des créateurs humains tout en intégrant les innovations de l’IA, plusieurs solutions sont proposées. Celles-ci incluent la mise en place de cadres légaux clairs pour l’attribution des œuvres générées par l’IA, ainsi que le développement de systèmes de traçabilité pour garantir l’originalité des créations. En outre, l’IA pourrait être utilisée pour surveiller et détecter le plagiat de manière proactive.

D’un point de vue législatif, la situation en Europe n’est pas très différente de celle des États-Unis. Les créations purement générées par les IA ne bénéficient pas de protection par le droit de propriété intellectuelle. Seules les œuvres reflétant la personnalité de l’auteur à travers des choix créatifs faits pendant le processus de création sont protégées par le droit d’auteur. Néanmoins, la question du droit d’auteur des œuvres utilisées par les IA durant leur apprentissage n’est pas tranchée irrévocablement. D’un côté, ces œuvres devraient être soumises à l’autorisation préalable de l’auteur. De l’autre, si l’œuvre finale ne permet pas de reconnaître les œuvres utilisées, cela pourrait être considéré comme un analogue du processus créatif humain, qui s’inspire et se nourrit des créations antérieures.

D'autres préoccupations

Parmi les plus profondes craintes vis-à-vis de l’IA générative, on trouve la perte d’emploi, les fausses informations et la cybercriminalité.

Des IA entraînées avec des images et des échantillons de voix peuvent être utilisées pour générer des éléments irréels (comme des entretiens ou des photos), créer des figurants numériques, et remplacer des doubleurs de films. L’IA générative peut aussi composer de la musique pour des jeux vidéo ou des publicités, écrire des scénarios pour des séries et créer de l’art promotionnel, sans engager des artistes pour ces tâches.

Dernier mot

L’IA générative transforme les domaines créatifs, offrant autant d’opportunités que de défis. En tant qu’outil collaboratif, l’IA peut enrichir le processus créatif, mais elle soulève également des questions sur l’authenticité et l’originalité des œuvres. Les implications légales et éthiques nécessitent une attention particulière pour garantir que les innovations technologiques respectent les droits des créateurs.

L’avenir de la collaboration entre IA et humains dans les arts est prometteur. À mesure que la technologie évolue, les frontières entre la créativité humaine et artificielle continueront de se redéfinir. Liant se positionne à la pointe de ces évolutions, prêt à accompagner les créateurs et les entreprises dans l’exploration responsable de nouvelles voies créatives grâce à l’IA générative.